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...lançait souvent ma mère à mon père lorsqu'il enfourchant son légendaire vélo, empoignait son bâton pour aller faire un tour en montage, ou sa faux pour attaquer son pré au petit matin, encore à 87 ans. Où se rendait-il donc durant toutes ces décennies, sillonnant la vallée par tous les temps sur sa mémorable bicyclette datant des années 50 ? à son travail à la Kupferschmede de Niederbruck ? à l'Orgue de Kirchberg ? à une réunion du conseil municipal ? de l'association des parents d'élèves ? des apiculteurs/ arboriculteurs ? à une rencontre syndicale ? politique ? Remplir les charges de son tutoyai d'orphelins et de personnes âgées en difficulté ? Récolter des informations pour rédiger une article de journal, ou pour çtuécho d'Oberbruck'' ? Prendre des photos pour illustrer ses textes ou projeter des diapositives ? Organiser la prochaine session d'adoration au Mont Sainte-odile (Le téléphone n'étant apparu que sur le tard) ? Accorder un piano ? Tailler des arbres fruitiers ? S'occuper de telle ou telle ruche défaillante? Donner une leçon de musique ? Participer à telle rencontre, manifestation, fête, cérémonie ? Ou alors, à l'heure de la retraite, appuyer sur sa pédale de vétéran au rallye cycliste du Crédit Mutuel ? Se rendre à Masevaux pour visiter les personnes âgées à l'hôpital et à la maison de retraite ? Ou tout simplement faire ses courses et, à l'occasion, quelques brasses à la piscine? Ou encore ?... |
En fait, ces petits trajets n'étaient que broutilles, comparés aux périples de sa jeunesse : à l'époque, il avait roulé jusqu'à Strasbourg via le Mont Sainte-Odile ; au Haut-Koenigsbourg ; à Gérardmer, avec l'ancien et lourd vélo appelé Rocktretbh, au frein archaïque (un coup de pédale en arrière), qui a fait tomber plus d'un distrait ! Une nuit, il dormit à la belle étoile, se contentant du sillon d'un champ de maïs, tandis qu'une ficelle attachait le vélo à sa cheville, pour décourager les maraudeurs. Et ce n'est là qu'une anecdote parmi tant d'autres qui ontjalonné le long parcours d'une vie ô combien remplie à ras bord, sinon débordante ! ... | |
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A 88 ans, pour la première fois de sa vie, il a concédé à emprunter la navette pour monter à la (Barg-Kelwah au Gresson. I1 se sentait presque en faute ! Il voulait encore voir l'éclipse de 1999 et l'an 2000 - il a même eu une tempête en prime ! La chose faite, et après avoir soigné à la maison son épouse déclinante, il s'en est allé, tout simplement, la rejoindre sur d'autre rives, dans leur nouvelle résidence où elle l'attendait depuis un mois. Il est allé retrouver sa compagne des bons et des mauvais jours égrenés le long de leurs soixante-trois années de mariage ; celle qui était son soutien, son appui, qui lui a permis de faire tout ce qu'il a fait, être tout ce qu'il a été ; qui ç'a porté à bout de bras quand il rentrait harassé et parfois découragé, le remettait d'aplomb pour qu'il puisse repartir d'un pas neuf vers d'autres aventures, par monts et par vaux. On ne la connaissait pas beaucoup. Pour cause : tandis que Jules occupait le devant de la scène, Maria s'activait dans l'ombre des coulisses, à la fois productrice, réalisatrice, metteur (euse) en scène, technicienne, costumière et même souffleuseuse) ; souvent, pour améliorer la vie de la cité, elle lui glissait telle ou telle idée qu'il réalisait par la suite - quand on dit que l'Histoire est faite par les femmes ! ... |
Je ne sais si elle apprécierait que je parle d'elle. Qu'elle me pardonne. D'ailleurs, elle n'aurait pas le temps de m'en vouloir, trop occupée dans l'au- delà à bichonner son mari, afin qu'il soit en forme pour escalader quelque sommet sacré avant l'aube pour guetter le lever du soleil et s'adonner à son passe-temps favori : se joindre aux choeurs célestes pour chanter de toute son âme : | ![]() |